https://www.queryonline.it/2020/03/10/unindovina-mi-disse-sylvia-browne-e-il-coronavirus/
Une voyante m’a dit que… Sylvia Browne et le coronavirus
Article de Sofia Lincos et Giuseppe Stilo, traduit par Giulia Maffucci.
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Parmi les mille prophéties sur le Coronavirus COVID-19 (d’Astérix à Nostradamus), on peut lire ces jours-ci une prophétie tirée d’un livre de 2008, « End of Days » (New York, Dutton), de la médium présumée Sylvia C. Browne (1936-2013) :
D’ici 2020, il deviendra courant de porter des masques chirurgicaux et des gants en caoutchouc en public en raison d’une épidémie, d’une maladie grave de type pneumonie, qui attaquera à la fois les poumons et les canaux bronchiques et qui sera réfractaire à tout type de traitement. Cette maladie sera particulièrement troublante car, après avoir provoqué un hiver d’absolue panique, presque plus déconcertant que la maladie elle-même, elle disparaîtra soudainement aussi vite qu’elle est arrivée, reviendra pour attaquer à nouveau après dix ans, puis disparaîtra complètement.
La prophétie a fait l’objet de plusieurs articles (par exemple, sur le magasin « Il Fatto Quotidiano »[1] du 7 mars), et elle circule également en format chaîne sur WhatsApp (à la fois avec l’image de la page en anglais, et dans une traduction italienne que nous n’avons pas pu vérifier).
Le succès de cette prophétie réside probablement dans le mécanisme habituel selon lequel, face à un grand événement qui inquiète et donne de l’anxiété, il nous rassure de savoir que quelqu’un l’avait déjà « vu » ; mais une autre raison des nombreux partages réside probablement aussi dans la dernière note d’espoir, cette disparition soudaine qui nous donne de l’espoir pour l’avenir.
Il faut dire que le livre en question existe et la prédiction aussi (sur Google Books[2] vous pouvez lire la page entière) ; en regardant le texte original, cependant, on constate qu’il ne s’agit pas de panique hivernale (la version qui circule ces jours-ci, pourrait donc être une traduction assez libre du livre anglais, ou bien il est possible que la prophétie de 2008 ait été simplifiée à partir d’une prophétie similaire déjà contenue en 2004 dans un autre livre, « Prophecies »), et il n’y a pas non plus de références temporelles précises au-delà de ce « 2020 ». Comme l’a souligné un article de Snopes[3], on ne sait pas très bien pourquoi Browne qualifie la maladie de déconcertante. En fait, COVID-19 appartient à la famille bien connue des coronavirus qui, entre autres, produisent certains types de rhumes, et le mécanisme du spillover (c’est-à-dire le saut d’espèces qui l’a rendu dangereux même pour nous, les humains) n’a pas suscité de perplexité particulière chez les spécialistes.
Il est probable que l’idée de la « disparition soudaine » de la maladie ait été inspirée par l’évolution du SRAS, qui, après avoir semé la panique pendant quelques mois entre avril et juillet 2003, a ensuite été enrayée et n’a pas donné lieu à une pandémie.
Oui, parce que la technique de Browne est la suivante : de nombreuses prédictions, l’une à la suite de l’autre, éventuellement inspirées par des épisodes déjà survenus, faites au hasard sur de nombreux sujets différents. Et puis, on insiste beaucoup sur les bonnes prophéties, et on efface celles, nombreuses, qui sont incorrectes. Dans le jargon technique, il s’agit de cherry-picking, autrement dit choisir certaines données pour soutenir une thèse, en laissant de côté toutes celles qui vont dans la direction opposée.
Avons-nous d’autres prophéties ?
Si vous regardez un peu plus loin les autres prophéties contenues dans le livre de Browne, en fait, la technique semble claire. Juste avant la « nôtre », voici cette-ci :
Une infection bactérienne ressemblant à celle des « bactéries mangeuses de chair » d’il y a quelques années arrivera en 2010, transmise à l’homme par des acariens presque microscopiques importés par inadvertance avec des oiseaux exotiques. Les médicaments et antibiotiques connus seront totalement inefficaces contre cette infection de type mycosique, qui est extrêmement contagieuse, et ses victimes seront placées en quarantaine jusqu’à ce que l’on découvre que la bactérie peut être détruite par une combinaison de courants électriques et de chaleur extrême.
Si tout cela est arrivé, désolés, nous n’avons pas remarqué.
Mais peut-être vaut-il la peine de lire toutes les prophéties sur la santé pour les années qui suivent immédiatement la publication du livre :
- Le cancer sera vaincu par l’injection de drogues qui créent une dépendance spécifiquement dans les noyaux des cellules cancéreuses, ce qui, dans la pratique, amènera les cellules cancéreuses à se consommer et à se détruire mutuellement pour satisfaire leur dépendance. Je pensais autrefois que cette forme de traitement serait utilisée par au moins quelques oncologues exceptionnels – même si ce n’est qu’à titre expérimental – au plus tard en 2006. Maintenant, je ne pense pas que cela se produira avant 2010 au moins.
- En 2010 également, le diabète sera considérablement réduit et ensuite guéri grâce à une brillante avancée dans l’utilisation des protéines.
- Les puces électroniques implantées à la base du cerveau rétabliront les signaux corrects entre le cerveau, les muscles et les systèmes neurologiques, mettant ainsi fin à la paralysie et à la maladie de Parkinson au plus tard en 2012.
- En 2013 ou 2014, la dystrophie musculaire, la sclérose en plaques et la maladie de Lou Gehrig [c’est-à-dire la sclérose latérale amyotrophique, Ed] seront vaincues grâce à l’utilisation hautement spécialisée de l’hormone de croissance.
- L’année 2014 verra l’introduction d’une pilule ou d’une capsule sûre et saine qui remplacera le pontage gastrique et le bandage gastrique, et l’anorexie et la boulimie seront éliminées par un nouveau médicament qui agira sur l’hypophyse.
- En 2015, il n’y aura plus de chirurgie invasive. Au lieu de cela, la chirurgie au laser, qui est évidemment déjà utilisée avec beaucoup de succès, sera brillamment améliorée par un capteur informatisé qui pourra localiser, analyser et prendre les mesures médicales appropriées dans la zone en question.
Que dire ? Si au moins elle en avait une de bonne… Quoi qu’il en soit, sachez que pour 2020, nous avons la victoire finale sur la surdité et la cécité.
Parlez-nous de Sylvia Browne
Cette femme a quelque peu représenté le prototype classique de la medium, louée par le public et les médias.
Invitée à la télévision même dans des émissions très populaires comme le « Larry King Show », une série de petits livres à succès sur tout ce qui est ésotérique et qui pourrait vous intéresser, consultations au prix modeste de 850 dollars pour une demi-heure d’appel au téléphone, cold reading et lecture des réactions pour donner l’impression d’en savoir beaucoup sur vos interlocuteurs. Browne, qui vivait en Californie, avait également fondé une église inspirée par un type de néo-gnosticisme chrétien (la Society of Novus Spiritus), dont le siège se trouvait à San Jose. En 1992, elle a été condamnée pour fraude financière et détournement de fonds, des choses qui n’ont en rien affecté sa fortune éditoriale, y compris en Italie.
Elle est morte en 2013 à l’âge de 77 ans, alors qu’elle avait annoncé qu’elle allait vivre jusqu’à 88 ans. Malgré les invitations répétées de James Randi et d’autres sceptiques, elle a toujours refusé de démontrer ses pouvoirs dans des conditions de contrôle. Aujourd’hui, l’entreprise familiale est dirigée par l’un des fils, qui aurait hérité le même « don » que sa mère.
Personnes disparues
La spécialité de Sylvia Browne était cependant les personnes disparues. Browne s’est vanté d’un taux de réussite de 85 %, affirmant avoir été utile à plusieurs reprises dans les enquêtes des services de police. Mais ce n’est pas vraiment le cas, et c’est devenu évident lorsque ses prophéties ont été systématiquement vérifiées. C’est ce qu’ont fait deux Américains sceptiques, Agatha Jadwiszczok et Ryan Shaffer, dans un article qu’ils ont publié en 2010 dans le « Skeptical Inquirer ».
Les deux chercheurs ont recueilli le plus grand nombre possible de « prédictions » (115 au total), en évaluant leur validité. Lorsqu’elles n’étaient pas vagues et fumeuses, elles se sont souvent révélées fausses. La liste des erreurs est vraiment longue et montre une fois de plus la validité du vieux principe sceptique popularisé par Charles Mansel : à mesure que les contrôles augmentent, les prétendus phénomènes paranormaux tendent vers zéro.
Des cas particulièrement graves sont ceux dans lesquels, faisant étalage de ses compétences, Browne a tenté de rassurer les proches de personnes disparues en leur expliquant que leurs proches étaient toujours vivants, comment les retrouver, en donnant des indications à la police pour traiter les disparitions – ou inversement, elle les a prétendu morts alors qu’ils étaient encore vivants. L’un des exemples les plus célèbres est le cas d’Amanda Berry, qui a disparu en 2003 la veille de ses 17 ans. En 2004, au cours d’une émission de télévision, Browne a dit à la mère de la jeune fille que celle-ci était morte et qu’elle était « dans l’eau ». La mère, Louwana Miller, a été dévastée par la nouvelle ; selon ses proches, elle a continué à chercher sa fille, mais sans véritable espoir. Elle est morte en 2006 d’une crise cardiaque. Amanda Berry, kidnappée et détenue pendant des années, a été libérée en 2013.
Les conclusions des enquêtes médico-légales et judiciaires sont décourageantes pour le milieu des partisans du paranormal. Selon l’analyse d’Agatha Jadwiszczok et de Ryan Shaffer (mise à jour en 2013[4]) sur 115 cas de disparition, on connaissait la suite de seulement 33 d’entre eux. Et dans chaque cas, les prophéties du médium s’étaient révélées fausses ou inexactes. Pour beaucoup d’autres, cependant, l’imprécision et l’impossibilité de vérification les rendaient incertaines, ambiguës, avec une issue imprévisible. Rien de plus. En bref, un taux de réussite de 0%, bien loin du 85% dont se vantait Browne.
Bref, la prophétie sur le nouveau coronavirus doit être mise dans le contexte d’un très grand nombre de prophéties propagées par cette femme, dans des livres, des spectacles et des consultations personnelles. Des prévisions qui ne se sont pas du tout avérées fiables. C’est la vieille règle de l’horloge cassée, qui marque l’heure exacte au moins deux fois par jour. C’est là-dessus que repose l’art de prédire l’avenir.
[3]https://www.snopes.com/fact-check/sylvia-browne-coronavirus/