26 thoughts on “Un mouvement sceptique au bord de la scission?

  1. Je vais regarder ces critiques, mais elles sont d’ordre différents : certaines touchent à la méthode semble-t-il (scientisme, parapsycho, etc.) d’autres au comportement.
    Je ne saisis pas cette idée de « scission » ? Je me considère comme faisant partie de la communauté et je peux aussi bien regarder la dernière vidéo de la TeB comme lire le contenu de ce site. Pourquoi vouloir séparer ??

    1. Hello
      Le titre est quelque peu « marketing ». Le terme scission n’est pas le plus pertinent ici mais il avait pour but d’attirer le regard et d’amener le public à lire le billet 🙂
      Cependant, même s’il n’y a pas vraiment de scission, les désaccords peuvent être quand même assez importants et vécus comme une raison pour prendre de grosse distances vis à vis du reste du mouvement (pour certaines personnes concernées)

        1. pourquoi pas? vous avez facilement compris que le contenu n’était pas vraiment à propos d’une scission, du coup pas de souci 🙂

    2. Bonjour Michel et Jérémy,

      Michel, je rejoins vos réserves sur cette « scission ». Pour ma part, j’ai déjà trouvé des contenus pertinents dans les deux « camps ». Rejeter tout ce que dit l’un des deux « en bloc » ne me semblerait pas être une attitude faisant preuve de beaucoup « d’esprit critique ».

      Si j’ai bien compris, un des sujets du désaccord entre d’une part Thomas Durant et d’autre part Zet-éthique, concerne la psychologie évolutionniste. Personnellement, je ne connaissais cette discipline que de nom avant de tomber sur la chaîne YouTube « Homo Fabulus ».

      Jérémy, connaitriez-vous des références accessibles pour le béotien que je suis et qui permettent d’en savoir plus sur cette controverse ? Merci d’avance pour votre réponse !

    3. Intéressant certes, mais aucun sceptiques cités ci-dessus par du postulat à avoir LA vérité. Pour le cas de Thomas Durand, autre ses billets que je trouve pertinent, il est vrai que durant certain live, les tournours de phrases, ou l’ironie employée peut faire parfois crisser les dents. Mais cela ne retire en rien le propos, du moins le font de sa pensé. En tout cas, il est important de d’avoir une méta analyse (éclairée) sur la parole des zététiciens et non sur la zététique, ce qui serait un non-sens.

      1. Pas facile de te répondre mais je te propose de lire les échanges d’arguments entre Homo Fabulous (vu que tu le connais déjà) et Aure Kyo (biologie évolutionniste) que tu peux trouver ici (ils ont débattu sur le groupe zététique, c’était trop compliqué alors ils sont passés à des billets qui se répondent l’un l’autre)
        Cependant, tu pourras constater que le niveau de technicité du débat est très peu accessible
        Moi même je pense que j’ai pas le niveau pour avoir le moindre avis sur les détails techniques.
        https://zet-ethique.fr/2019/08/09/psychologie-evolutionniste-1-representations-et-enjeux/
        https://zet-ethique.fr/2019/08/14/levolution-neutre-en-croisade-contre-ladaptationnisme/
        https://zet-ethique.fr/2019/08/16/debats-3-levopsy-un-cas-decole-de-lecueil-adaptationniste/
        https://zet-ethique.fr/2019/08/18/debats-4-reponse-a-la-reaction-de-stephane-debove-sur-ma-critique-de-ladaptationnisme/

        Et les réponses de Homo Fabulous :
        http://homofabulus.com/psychologie-evolutionnaire-adaptationnisme-et-plasticite/
        https://homofabulus.com/la-psychologie-evolutionnaire-une-pseudoscience-verolee-en-marge-de-la-science-qui-peine-a-produire-des-resultats/

  2. Merci pour ce billet qui je l’espère, suscitera intérêt et curiosité à ses lecteurs sceptiques!

    Et pourquoi pas, une ouverture sur l’épistémologie qui est définitivement un sujet fascinant 🙂

    Et, re pourquoi pas, un regard nouveau sur les enjeux politiques des discours d’apparence neutres car sciontaifaiques :3

  3. Je pense que le fait d’être sceptique nous mène aussi à être sceptique face à d’autres positions sceptiques, surtout lorsqu’il y a matière à débat. Par exemple, j’ai exprimé mon désaccord avec la position de Jean-Michel Abrassard sur la parapsychologie. Ma position est basée sur ce qui se passe avec le domaine des sciences biomédicales et la crise de reproductibilité associée à ces études basées sur des interprétations statistiques. J’ai fait le lien avec la parapsychologie pour y appliquer les mêmes critiques, parce qu’elles utilisent les mêmes outils statistiques, même si je ne suis pas un « spécialiste » de la parapsychologie.

    J’ai déjà critiqué l’homéopathie à partir de mes connaissances en chimie, mais une fervente d’homéopathie m’a critiqué en me disant que je n’avais pas lu de livres écrits par des homéopathes… Est-ce le même genre de critique que vous faites ici ? Pour avoir droit de développer une opinion sur un sujet, comme les médecines alternatives, doit-on avoir lu les ouvrages des charlatans ? Une bonne connaissance de l’effet placebo n’est-elle pas suffisante dans bien des cas ? Doit-on toujours laisser la place à un doute raisonnable face à des croyances non démontrées scientifiquement ?

    Les sceptiques ne peuvent donc pas tous être d’accord entre eux, et différentes idées peuvent être exprimées. Il est dommage que çela puisse mener à des scissions de certains groupes. Si vous prenez le réchauffement climatique d’origine anthropique, on retrouve d’assez bons arguments de chaque côté et très peu de sceptiques s’y connaissent suffisamment pour analyser les modèles des climatologues (mais j’ai davantage confiance au GIEC).

    Finalement, je suis d’accord que le scepticisme doit sortir de l’apolitisme. Par exemple, les politiques et idéologies qui mènent à la censure des idées, surtout celles provenant des milieux scientifiques, doivent être fortement critiquées…

    Michel Belley, président, Sceptiques du Québec.

    1. Bonjour,

      J’ai découvert le monde de la zététique il y a peu, et je n’en ai pas une bonne image.

      Mon premier contact avec un de ses membres a été sur une page de militantisme intersectionnel. À l’époque, je ne connaissais pas la zététique. Ce sont des recherches ultérieures qui m’y ont menées.

      Sur cette page, il y a des articles pour dénoncer un certain nombres « d’arguments pourris » utilisés contre les militants. Mon premier contact avec ce membre de la communauté zététique et militant a été violent, et complètement inégal.

      Violent, parce qu’à l’époque, j’ignorais que je pensais mal, et mon interlocuteur n’a pas été tendre pour me le prouver. Cependant, grâce à lui, je rouvre mon dictionnaire et j’essaie de construire au mieux mes argumentations. (À ce propos, j’ai toujours l’impression de me débrouiller comme un manche.)

      Cependant, a posteriori, j’éprouve un fort sentiment d’inégalité dans ces discussions. Voilà plusieurs choses que j’ai ressenti :

      – la présence de raisonnement erroné comme prétexte pour ne pas s’intéresser au fond de la pensée de l’autre et la disqualifier en bloc.

      – la violence des propos, ainsi que certaine condescendance vis-à-vis de celui « qui pense mal ».

      – une certaine hypocrisie : les sophismes des autres sont dénoncés, mais on ne reconnaît pas les siens.

      Je sais que tout ceci n’est que mon expérience personnelle avec un seul individu, qu’elle n’est pas représentative du milieu, et qu’il ne faut pas généraliser.

      Cependant, en farfouillant dernièrement sur Twitter, je suis tombé sur de nombreux échanges houleux ou chaque partie accuse l’une et l’autre de tout ou d’une partie des points que j’ai recensé dans mon échange avec une personne en particulier.

      Tout cela pour dire que je n’ai pas une bonne image du milieu de la zététique, et que les conflits qui semblent y régner ne me donnent pas envie de continuer plus avant.

      Je vous remercie d’avoir lu ce petit pavé.

      Cordialement,

      Xendor

      1. Bonjour Xendor,

        Un an après votre message, je me retrouve totalement dans votre expérience. Je suis complètement sidéré par la violence des réponses apportées par les zet éthique, tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond, ils n’arrivent pas à se mettre dans la peau de quelqu’un qui ne maîtrisent pas leurs codes ; il est évident que leur rhétorique permet d’atomiser n’importe quel quidam, et ils ne s’en privent pas.
        Sur la forme, parce que j’ai vite compris que tous les membres du collectif prennent un malin plaisir à venir chacun leur tour taper sur la pauvre victime qui n’a pas les moyens de se défendre, afin de bien la ridiculiser et qu’elle comprenne bien que la majorité n’est pas d’accord avec elle. La notion de bienveillance est exclue, tout comme essayer de comprendre pourquoi l’interlocuteur se trompe, quand il se trompe. À la place, il faut taper sur cette personne qui ose ne pas avoir le bagage pour comprendre comme elle devrait le faire.

        Je pensais, faussement, que la zethetique permettait de donner des outils pour savoir argumenter et éviter de tomber dans des pièges de raisonnement. Elle semble plutôt servir à démolir son interlocuteur « qui pense mal », à coups d’attaques condescendantes et d’un vocabulaire « complexe », afin de satisfaire son égo en montrant qu’on est dans le camps du bien, celui qui a raison.

        Ce qui m’attirait dans la zététique, c’était qu’elle me semblait se réclamer du scepticisme scientifique. Je n’ai trouvé aucune application scientifique dans les articles du blog en question. S’ils se réclament contre les positions scientistes, qui prétend « tout » expliquer par la science, ils me semblent même à l’extrême opposée de cette position.

        Je sais que je suis trop stupide pour arriver à leur niveau de réflexion intellectuelle. Mais ils ont réussi l’exploit de me dégoûter totalement d’essayer de faire un effort. Bref, tout ça pour dire que je vivais bien plus heureux en ignorant toutes ces idées, et, à mon avis, au lieu de former de nouveaux esprits critiques, ces attitudes toxiques renvoient les personnes qui pourraient s’y intéresser vers d’autres cieux. Les vulgarisateurs plus « mainstream » ont un bien meilleur résultat que ces gens qui se congratulent entre eux. Je retourne donc regarder des vidéos de divertissement sur YouTube, sans prise de tête, en tentant d’oublier l’existence de ce groupe.

        Cordialement,

        Vincent

  4. Pas d’accord sur une partie des éléments.
    Les six points en début de billet ne sont même pas illustrés par des exemples :
    * La vulga de faible qualité, oui, il y en aura toujours de la part de certains, sur certains sujets. Est-ce reprochable ? Oui, certainement. Est-ce à corriger ? Oui, aussi. Mais ce type de remarque a-t-il un intérêt en lui-même ? Dans le sens où faire le constat de façon aussi vague ne va pas aider les gens concernés à s’améliorer sur les sujets concernés ?
    * « La présence de propos discriminants » : non, mais vous ne pouviez pas faire encore plus vague ? Sans compter qu’avec cette formulation, ça s’éloigne du scepticisme.
    * « Les postures violentes et toxiques » : alors, oui, c’est toujours extrêmement déplaisant. Mais quel est le rapport avec le scepticisme ?
    * « L’ignorance globale des sciences humaines et sociales » : ce point est le seul sur lequel je ne dirais rien. Je n’ai pas de compétences dans le sujet, et j’estime que le sujet relève beaucoup de l’opinion. Du coup, j’évite de me prononcer sur ces sujets. Et je trouve un peu gonflé que vous reprochiez à quelqu’un de ne pas en parler (c’est comme ça que j’ai compris cette remarque), chacun étant bien libre d’aborder les sujets qu’il veut.
    * « et la présentation biaisée et caricaturale de ces sciences » : j’aurais bien aimé un exemple. Ne serait-ce que pour voir si c’est un sceptique « sciences dures » qui s’est risqué sur ces sciences-ci, ou un sceptique habitué à traiter le domaine qui s’est loupé sur un sujet précis.
    * « l’accusation de scientisme » : je n’ai jamais vu un seul sceptique faire cela ! Veuillez au moins illustrer d’un exemple.
    * « Et d’autres choses encore du même style, il m’est impossible de résumer avec précision tout ce qui est défendu, mais ces exemples me semblent donner une idée générale » : nan, mais c’est une blague à ce niveau, non ? Prétendre donner des leçons et finir par un item fourre-tout totalement vague…

    Après, vous détaillez quelques domaines, mais ceux-ci font bien partie de domaines « polémiques » (parapsy, astrologie, hypnose). Je veux bien qu’il y ait des soucis d’analyse et d’argumentation sur ces sujets de la part de certains sceptiques, mais ça me semble être assez limité. Alors que la façon dont les paragraphes sont écrits me laisserait penser que vous avez une dent contre les sceptiques concernés (de façon générale) plutôt que contre leur travail (en particulier).

    « que les sceptiques dont les idées sont critiquées diffusent des avis « toxiques » au mouvement (et toxiques pour la diffusion des sciences) et que leurs idées ou postures se maintiennent dans le temps, malgré des tentatives de critiques plus cordiales » : des exemples, diantre !

    Votre point 2), ce ne serait pas un déshonneur par association, là ? La « droite » serait nocive ? J’ai l’impression d’un empilement de clichés, dans ce billet, avec toujours un manichéisme dans les postures (limite un faux dilemme, puisqu’il n’y aurait que deux postures : les gentils et les méchants)

    « Tout analyser à coup de biais cognitifs est une approche qui n’est que rarement celle des spécialistes. » : en miroir avec le billet de blog, cette phrase me donne également l’impression que tout est binaire : soit un critique les biais cognitifs (et on n’est pas spécialiste), soit on est spécialiste (et l’usage des biais se justifie). Non, ça ne va pas.

    Au final, je ne suis plutôt pas d’accord avec ce billet. Oui, on dirait bien qu’il y a deux « camps » qui se dessinent, l’un d’entre eux tenant absolument à traiter de sciences sociales par le scepticisme (aucun problème pour moi à ce niveau-là, simplement je ne m’y risquerai pas personnellement) et voulant par contre contraindre les autres à prendre position sur ces sujets (là, je n’apprécie pas) qui sont davantage nuancés.
    A chaque fois que je vois des écrits de ce camp, j’ai l’impression de lire des pamphlets au lieu de critiques à l’aune du scepticisme.

  5. Comme pour moi il n’y a pas « un mouvement sceptique », il ne peut pas y avoir de « scission ». Au pire il y aura un affichage plus net de l’existence, depuis quelques années sur Internet, de confusions entre plusieurs démarches fondamentalement différentes voire opposées qui sont réunies par erreur par certaines personnes sous le nom de « mouvement sceptique ».

    Le scepticisme est un très vieux courant de pensée, le scientisme aussi (mais beaucoup moins vieux tout de même), et il n’y a que depuis quelques années sur Internet que des gens les confondent, alors qu’historiquement ce sont plutôt des courants de pensée qui ont été en guerre intellectuelle permanente, l’un étant pratiquement le contraire de l’autre.

    Mais pour moi les critiques de Zét’éthique, au lieu de clarifier cette différence, ajoutent de la confusion à la confusion. Parce qu’en réalité pour moi ce qu’iels soulèvent n’est pas la différence entre scepticisme et scientisme, iels partagent en réalité beaucoup plus de points communs avec les scientistes qu’iels prétendent dénoncer qu’avec les sceptiques qui critiquent ces mêmes scientistes par ailleurs. Iels sont plutôt dans une guerre de légitimité entre 2 versions du scientisme, l’une plutôt basée sur les « sciences dures », l’autre plutôt basée sur les SHS. Perso quand je vois leurs engueulades avec certains « sceptiques », je vois surtout une bataille entre deux clergés se revendiquant chacun plus légitime que l’autre pour asséner la « vérité » du haut de leur statut d' »expert ».

    Je considère donc absurde de voir leurs interventions comme une critique « interne au mouvement », et d’ailleurs je leur reconnais au moins le mérite d’avoir une certaine réticence à se dire elleux-mêmes sceptiques, contrairement aux autres scientistes auxquels iels s’attaquent. Le problème, c’est qu’iels les attaquent en les désignant comme « les sceptiques », et en prétendant que « le scientisme » (iels n’appellent « scientisme » que le scientisme de leurs adversaires évidemment, pas le leur) serait une pente naturelle du scepticisme, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion.

    Je regrette également leur agressivité, mais pour moi elle n’est pas le cœur du problème, elle n’en est que le symptôme : On a bien plus de facilité à avoir une attitude agressive quand on est rempli de certitudes que quand on est rempli de doutes.

    Je ne pense pas que leurs critiques du scientisme « sciences dures » par un scientisme SHS aboutisse à grand chose, et à mon sens il ne fait que compliquer le travail des sceptiques pour tenter de faire douter les scientistes de tous bords de leurs certitudes. Y compris pour intéresser les scientistes « sciences dures » aux SHS.

    1. Bonjour,
      Je serais intéressé d’avoir, si cela vous est possible, quelques éléments de détails sur ce qui caractérise (en très gros et schématique), d’après vous, les groupes « scientistes » et « sceptiques », ainsi que ce qui les différencie. Et comment ça peut s’appliquer au groupe de Zet Éthique ? Je demande ça parce que, en lisant leurs articles, j’avais simplement l’impression qu’il s’agissait aussi d’un groupe sceptique qui argumente ses choix et positions en tenant compte de la littérature scientifique pertinente par rapport à leur propos (ici, majoritairement SHS).

    2. Commentaire intéressant, cependant j’ai l’impression qu’il y a un problème de définition des termes « scepticisme » et « scientisme » ici. Oui le scepticisme est un très vieux courant de pensée, mais celui dont on parle ici n’a, si je ne m’abuse, rien à voir avec le courant de la philosophie grecque antique. On parle du « scepticisme scientifique », qu’on qualifie aussi de zététique, ou d’autres termes encore comme « esprit critique ». Je ne dis pas que c’est sémantiquement juste, mais celleux qui composent ce mouvement (ou « ces » mouvements disons puisque c’est loin d’être homogène) sont assez d’accord sur l’appellation.

      Et « scientisme », à moins que je ne me trompe là aussi, c’est l’idée que la science peut répondre à toutes les questions que l’on se pose sur le monde. Est-ce vraiment une posture défendue par les membres de Zet Ethique comme par les autres producteurs de contenu implicitement cités ici ? En tout cas pour les seconds cités, je suis certain que ce n’est pas le cas, ou alors pas pour celleux que je connais…

      1. Bon j’avais déjà répondu à John sur cette question de définitions mais apparemment mon commentaire a été perdu, alors je recommence :

        Personnellement depuis que j’ai lu l’histoire du scepticisme de Richard Popkin je confirme mon intuition qu’il n’y a pas de différence pertinente à faire entre l’école philosophique du scepticisme existant depuis l’antiquité et ce qu’on appelle aujourd’hui le « scepticisme scientifique ». Ils n’ont pas du tout « rien à voir ».

        Le scepticisme, de l’antiquité jusqu’à nos jours, c’est une critique de toutes les prétentions à avoir trouvé la vérité, à connaître des critères pour découvrir la vérité, ou à être des personnes ayant un accès privilégié à la vérité. La seule chose à laquelle les humains ont accès selon les sceptiques, ce sont des sensations, que l’on a l’habitude d’identifier à des interactions avec un monde « réel », mais en fait on n’en sait rien : ce monde « réel » pourrait ne pas exister et nos sensations être de simples créations de notre conscience, et même si elles sont bien une interaction avec un monde « réel » extérieur à notre conscience, elles pourraient tellement le déformer qu’on aurait une idée totalement trompeuse sur sa « nature ». Les sceptiques renoncent donc à trouver une quelconque « vérité » telle que celles que prétendent trouver tous les dogmatiques, des clergés religieux aux philosophes empiristes (comme Epicure) en passant par les philosophes rationalistes (comme Platon, Aristote ou Descartes).

        Dans l’antiquité, les sceptiques promouvaient donc le renoncement à la vérité, et l’ataraxie (la tranquilité de l’âme) que ce renoncement apporte. La seule différence qu’on peut trouver avec le scepticisme moderne, c’est que depuis la redécouverte des arguments sceptiques au début de la Renaissance, les nouveaux philosophes sceptiques, une fois qu’ils ont renoncé à la vérité, ont considéré que l’étude de nos sensations restait une activité intéressante, même en renonçant à y trouver « la vérité ». Et c’est l’étude sceptique de nos sensations, la construction de modèles pour prévoir au mieux nos prochaines sensations à partir des précédentes, qui a donné naissance à la science.

        Une bonne part des pionniers de la méthodologie scientifique dont se réclament pas mal de sceptiques aujourd’hui se revendiquaient eux-mêmes sceptiques au sens antique, et même « pyrrhoniens » (Pyrrhon est le fondateur de l’école sceptique dans l’antiquité) : C’est le cas de Gassendi, de Hume ou de Russel par exemple. On sait aussi l’influence fondamentale qu’ont eu les arguments de Pyrrhon (redécouverts à travers les écrits de Sextus Empiricus) sur la pensée de la plupart des autres pionniers de la science même quand ils ne se réclamaient pas « pyrrhonniens » (il faut dire que ça pouvait causer quelques soucis de s’en réclamer jusqu’au XIXème siècle).

        Pour moi ce n’est pas le « scepticisme scientifique » qui serait un autre concept que le scepticisme antique, c’est le renoncement à la vérité conseillé par les sceptiques de l’antiquité qui, quand il a été pleinement accepté, est devenu la base sur laquelle la science est née.

        Le scientisme, quant à lui, est un retournement historique particulièrement ironique : A force d’obtenir des résultats impressionnants, la science a fini par convaincre certains qu’elle était un moyen d’accès à la vérité, que la méthodologie scientifique était un critère de reconnaissance de la vérité, et que les scientifiques avaient un accès privilégié à la vérité. C’est donc un dogmatisme tout à fait classique, un retour à tout ce que les sceptiques ont toujours combattu, mais s’appuyant ironiquement sur les disciplines dont la construction même avait pourtant supposé au départ l’acceptation du renoncement à la vérité prôné par les sceptiques.

        Et oui, je considère qu’il y a un certain nombre de « sceptiques » revendiqués qui n’ont rien de sceptique mais sont totalement scientistes : iels ne cherchent pas à critiquer les prétentions à détenir la vérité, mais au contraire cherchent à s’ériger en clergé, en « experts » ayant un accès privilégié à la vérité, inaccessible à celleux qu’ils ne reconnaissent pas comme leurs égaux et à qui iel dénient le droit même de débattre de leur autorité à affirmer la vérité.
        En donner tous les noms serait laborieux mais bon la caricature de cette attitude, c’est celle de gens comme Astronogeek ou Debunker des Etoiles. Et d’autres semblent malheureusement emprunter cette pente sans être encore allés aussi loin. Mais je m’en voudrais d’oblitérer mes chances de les convaincre de changer d’attitude et de reprendre une ligne sceptique en les citant, car iels risqueraient de prendre ça comme une déclaration de guerre.
        Je suis d’ailleurs convaincu que la plupart d’entre elleux ne se reconnaissent absolument pas dans cette description, parce que la particularité du scientisme moderne est de ne pas se considérer comme tel. Par exemple iels seront les premiers à rappeler que la science n’est pas prescriptive, juste avant d’utiliser la science pour faire des prescriptions dont iels ne se rendent pas compte qu’elles en sont. Mes dernières vidéos et les prochaines sont d’ailleurs largement consacrées à montrer comment le scientisme peut prendre les atours attrayants de la science sans que ses promoteurs en aient conscience.

        Il se trouve que beaucoup d’entre elleux s’appuient pour ça sur les « sciences dures » et sont particulièrement ignorants des SHS, mais malheureusement, c’est ce mépris des SHS qui est appelé « scientisme » par le groupe Zét’éthique, qui confondent le symptôme avec la cause. Et leur façon d’y répondre est malheureusement tout aussi scientiste. Au lieu de critiquer toute prétention à s’ériger en clergé détenant la vérité, iels les attaquent à leur tour en revendiquant une plus grande légitimité pour leur clergé à elleux, leurs « experts » à elleux, leurs « vérités » à elleux, en assénant leurs vérités sans quasiment jamais daigner les démontrer, et en exigeant des personnes non « expertes » en SHS qu’elles se taisent et acceptent leurs vérités sans discussion, au lieu de faire un travail pédagogique sur les méthodes des SHS et la façon dont elles pourraient permettre à toute personne de développer un scepticisme plus fructueux.

        1. Merci pour tes éclaircissements Tzi 🙂

          J’imagine que sur la question du scepticisme antique vs scepticisme scientifique, c’est un débat qu’il faudrait avoir au sein de la communauté d’une part, et avec des « experts » du domaine (scepticisme antique j’entends) d’autre part. Tes arguments ne me convainquent pas en entier mais me font réfléchir, j’espère que le débat restera ouvert et évoluera sur cette question avec le temps !

          Quant au scientisme, comme je ne suis pas les deux que tu cites je me fierai à ton témoignage. Pour les autres que j’ai l’habitude de suivre (je ne vais pas non plus les citer pour les mêmes raisons que toi), encore une fois j’ai plutôt l’impression de voir de la prudence à l’égard de la science, et une place non négligeable accordée également à la philosophie (entre autres) pour répondre à des questions auxquelles, justement, la science ne peut pas répondre. Sinon, la « guéguerre » entre sciences « dures » et SHS est bien regrettable, mais je pense qu’une des raisons est que pendant trop longtemps on a refusé de faire des passerelles et collaborations entre les deux domaines, heureusement du peu que je peux voir dans mon milieu académique j’ai l’impression que ça commence à changer.

        2. Wow, merci beaucoup pour avoir pris le temps de faire cette explication détaillée !!!

          Je n’avais jamais entendu raconter l’impulsion scientifique de la Renaissance à travers l’opposition scepticisme/scientisme. De plus, la petite contextualisation que vous faites des origines du scepticisme et du scientisme permet de mieux comprendre la manière dont vous voyez les choses. C’est éclairant.

          Je dois peut-être préciser avant d’écrire la suite que je n’ai pas beaucoup de recul et de connaissances sur ce que je vais dire. Je partage avant tout un point de vue naif et sans prétentions, si ce n’est à échanger et discuter avec d’autres.

          Concernant le cas spécifique traité dans le billet de Jérémy, d’après ce que je comprends de votre point de vue, j’imagine qu’une démarche sceptique pour argumenter aurait été d’inviter à mettre doute les arguments opposés, mener l’enquête et expliquer sa démarche, montrer les différents aspects/côtés de la situation, analyser et confronter les différents points de vue, etc. Alors que j’ai l’impression que vous voyez plutôt les « deux camps » en présence comme prenant des positions d’experts qui « envoient » leur point de vue de « manière unilatérale » en le présentant comme le point de vue correct. (J’extrapole peut-être assez fort ce que vous avez dit — c’est bien sûr uniquement ce que moi je comprends et imagine).

          Personnellement, j’ai l’impression qu’on peut être aussi dans le deuxième cas également lorsque notre parcours nous a amené à développer une expertise poussée dans un domaine spécifique (par exemple chercheur), et qu’une partie du travail qui a amené au point de vue que l’on a développé à consister justement à mener l’enquête et à chercher, à confronter ses aprioris à de nouveaux points de vue non nécessairement dominants, etc. Ce qui, si j’ai bien compris, fait effectivement partie de la démarche des sciences humaines et sociales. On en vient alors à présenter le résultat de travaux longs aux méthodologies complexes en accordant une confiance, que l’on pense appropriée, dans les travaux présentés. Je m’imagine alors, tout en ne connaissant pas grand-chose, que la subtilité avec le scientisme est une question de degré et tient dans la position (absolue ou suffisamment relativisée) par rapport à ce qu’on défend, l’attitude qui nous y a mener et la façon dont on communique autour et cherche à convaincre les autres (imposer vs partager, écouter le camps d’en face et tenir compte de son point de vue vs ne pas se donner la peine de le prendre au sérieux etc.).

          Concernant le cas de Zet éthique, je ne pense pas avoir personnellement suffisament de recul pour trancher avec assurance, même si, de mon point de vue, je n’ai pas spécialement l’impression que l’accusation de scientisme soit justifiée (je suis loin d’avoir tout vu et de tout suivre). Je me dis qu’une partie de la position de scientisme qui est attribué à certains tient peut-être du fait qu’ils portent un discours qui est conçu avant tout comme un argumentaire (militant pour un meilleur scepticisme et contre le scientisme) quand ils pensent que l’inaction à des conséquences négatives importantes (en particulier sur l’attitude qu’on les gens face à certains discours politiques). Ou peut-être pas et qu’il est permis de trancher envers une attitude scientiste ?

          En tous cas, je regarderai vos vidéos abordant le scientisme avec beaucoup d’intérêt. Qui sait, peut-être me permettront-elles de développer une meilleure compréhension et de meilleurs outils d’analyse ?

          1. Pour info dans mes vidéos abordant le scientisme je n’utilise quasiment jamais le terme « scientisme ».
            A coup sur si je le faisais les personnes concernées ne se sentiraient pas concernées 🙂
            J’ai surtout abordé le sujet à partir de ma vidéo sur l’origine du commerce et les suivantes. Ma prochaine vidéo sur les systèmes de vote est en plein dans le sujet.

  6. Bonjour,

    J’ai un peu suivi cette « scission » et je trouve le sujet et cet article vraiment intéressant.

    La controverse entre les deux parties me rappelle très fortement des débats très semblables que j’avais vus dans les cercles rationnalistes américains. Une analyse faite à ce sujet par John Nerst dans son blog Erisology (qui est bien sûr l’étude des désaccords!) m’avait semblé très pertinente. En voici une version très raccourcie :

    ***
    Découpleurs et contextualisateurs
    L’une des difficultés les plus courantes rencontrées dans les discussions est lorsque les parties concernées ont des convictions différentes quant à la portée de la discussion. John Nerst identifie notamment les deux styles de conversation suivant :

    Découpleurs : Ils considérent comme éminemment raisonnable d’exiger que la vérité de leurs affirmations soit examinée isolément, sans prendre en compte les implications potentielles. Ils considèrent souvent l’insistance à soulever ces questions d’implications malgré une demande de considérer l’affirmation isolément comme une réflexion bancale ou une tentative de détourner l’attention.

    Contextualiseurs : Ils considèrent comme éminemment raisonnable de s’attendre à ce que certains facteurs ou implications contextuels soient pris en compte. Ils considèrent souvent que ne pas tenir compte de ces facteurs est un manque de rigueur ou une tentative d’évasion intentionnelle.
    ***

    La première approche, le découplage, est bien sur l’approche qu’utilisent les sciences hors SHS, tandis que la deuxième est sans doutes à la fois plus naturelle pour la plupart des gens et celle, il me semble, qui est utilisée en SHS.

    Du coup, quand il y un désaccord de fond sur l’objet de la discussion, il est très compliqué d’échanger de façon constructive, même si tous les participants sont de bonne foi. J’ai l’impression que cette dichotomie découpleurs/contextualiseurs est une partie non négligeable du désaccord zététique versus zet-éthique.

  7. Ce groupe (zet-ethique.fr) se définit de la façon suivante:
    « Afin d’être clairs et transparents sur notre propre positionnement idéologique : nous nous identifions tou·tes à divers courants de gauche radicale (les plus à droite d’entre nous sont affilié·es à la France Insoumise mais sont numériquement en large infériorité), nous sommes anticapitalistes, anarchistes, marxistes ou communistes…. et en majorité, révolutionnaires.  »
    Il faut garder cela à l’esprit car, en règle générale, les individus « radicaux » (de gauche comme de droite) ont des oeillères et pensent de travers. La psychologie d’un Mélanchon n’est pas très différente, à mes yeux, de celle d’une Marine Le Pen, même si la rhétorique est très contrastée.

    1. Mais sur quoi repose cette soi-disant évidence que « les individus radicaux […] ont des oeillères et pensent de travers » ? L’emploi de notions aussi floues que celles d' »avoir des oeillères » et « penser de travers » ne m’amène d’ailleurs pas à un grand optimisme sur la capacité de l’auteur de cette interprétation à argumenter sur le sujet.

      Est-ce que, par exemple, la croyance très répandue au sein de la droite « modérée » selon laquelle Mitterrand et Hollande ont mis en place des politiques « gauchistes » est la marque d’une grande capacité à se défaire de ses oeillères et à penser droit ?

      Et quels sont les critères de définition de la radicalité ? Certaines politiques qui apparaissaient comme modérées après la guerre paraîtraient aujourd’hui radicales aux yeux des modérés. Inversement, nombre de positions qui paraissaient radicales par le passé apparaissent aujourd’hui comme le bon sens même aux yeux des modérés.

      Bref, une belle affirmation analyse d’extrême-centre.

      1. Il serait intéressant de faire une étude sur la façon de penser des extrémistes de gauche, de droite et du centre. Peut-être qu’on trouverait une différence liée à une classification morale binaire…
        Peut-être qu’on pourrait trouver que certaines personnes moins extrémistes considèrent qu’il y a 50 nuances de gris entre le bien et le mal, alors que les extrémistes classent plus facilement les comportements et les idées soit du côté du bien, soit de celui du mal…

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